mercredi 16 novembre 2016

Populisme

Dans son numéro récent, Hesari publie cinq opinions de lecteurs sur populisme, dont une poursuit la définition scientifique de ce terme. Cette entreprise, très bienvenue, est par Vesa Kanniainen, professeur émérite de l’économie politique. À partir du fait que dans la démocratie il y a toujours des intérêts divergents des individus, et des coalitions opposées basées sur les différences de ces intêrets, il fait référence à la théorème de Kenneth Arrow selon laquelle une critère unique pour la prise de décision politique dans la démocratie est impossible. Ainsi ces coalitions défendent leurs intérêts et luttent pour le pouvoir et c’est la majorité qui prend la dictature. Pour s’approcher de la définition scientifique de populisme il se pose la question pourquoi l’intérêt de la majorité est aujourd’hui ce qu’il est. À son avis la question peut être prononcer aussi: Pourquoi les gens sont-ils si sensibles au lavage de cerveau?

Kanniainen cherche la réponse à l’aide de l’hypothèse des mèmes, le concept introduit par Richard Dawkins. Pas une mal idée. Le concept de mème est utile même pour définir ce qui signifie la culture. Les mèmes sont des unités culturelles: des idées, des valeurs, des contes, etc. Ainsi ”la culture est une population des mèmes, qui incites les individus à parler ou à agir de façon à ce que d’autres individus enregistrent une version dupliquée de ces unités mentals” (Pascal Boyer). La façon dont répandent les mèmes ressemble celle de l’épidemie. On pourrait ainsi parler de l’épidémie culturelle ou mentale. Il y a des individus résistants et ceux qui vont être contaminés. Le mécanisme est pareil autant pour les mèmes politiques que les mèmes religieux. Pascal Boyer a utilisé l’expression ”parasite cognitive de l’homme”, qui caractérise bien la facilité dont un mème survie dans l’homme peu résistant. Comme manifeste la religion et maintes décisions facheuses dans la politique récente, la vérité a rien ou peu à voir avec le succès de la propagation de l’épidémie. Une fois contaminé par des mèmes trompeurs, l’individu renforce son attitude actuelle contre les faits.

Il semble qu’il nous faut accepter que dans la démocratie, c’est comme ça qu’évolue la culture. Nous avons le monde que nous méritons.

samedi 12 novembre 2016

Les objets fondamentaux

Aujourd’hui une décennie est passé depuis le premier, et jusq’uici le seul, texte en français que j’ai ecrit sur ce qui s’appelle PSSP ontology en anglais. Tout ce que j’en ai publié dans la littérature scientifique internationale est uniquement en anglais. J’ai produit cet essai français pendant mes études de français au Centre de lingues de l’Université de Helsinki à Otaniemi. Le texte se trouve ci-dessous dans sa forme originale.

Les objets fondamentaux

Dans l’ontologie formelle les termes utilisés doivent être strictement définis. S’agissant des entités les plus fondamentales, le choix doit être fait avec un soin particulier. Mieux vaut choisir un terme qui n’est pas trop chargé de significations étroites, quotidiennes ou vulgaires. 

J’ai utilisé le terme entité pour faire référence à tout ce qu’il y a. Les entités peuvent être d’une part des objets et des propriétés et d’autre part des universels ou des particuliers. Il y a donc des objets universels et particuliers et des propriétés universelles et particulières. J’ai utilisé pour les objets universels le terme type et pour les propriétés universelles le terme attribut. Tous ces termes correspondent à ceux qu’a utilisés Lowe en anglais. Les termes ‘type’ et ‘attribut’ permettent ainsi d’appliquer le terme ‘objet’ exclusivement aux objets particuliers et le terme 'propriété' uniquement aux propriétés particulières. 

Dans ce qui suit les termes objet et propriété auront donc ces significations exclusives.

Depuis l’antiquité il existe un dualisme métaphysique  entre l’ontologie de la substance et l’ontologie des événements. On considère soit la substance soit l’événement comme l’objet universel (type) fondamental. Cela veut dire que le monde est perçu soit comme un ensemble de substances particulières qui ont des propriétés, soit comme un ensemble d’événements particuliers qui ont des propriétés. Chaque point de vue a eu ses défenseurs.

Mais ‘substance’ et ‘événement’ ne devraient-ils pas plutôt être considérés comme deux projections d’un seul objet composé: un objet qui manifeste son existence aussi bien comme ‘substance’ que comme ‘événement‘? On arriverait alors à une ontologie qui accepterait la ‘substance’ et l’‘événement’  comme les deux objets fondamentaux qui forment le monde, mais qui ne peuvent pas exister indépendamment. Un événement ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une substance et il ne peut y avoir de substance que s’il y a un événement.

Substance et événement, étant des objets, chacun ont quatre attributs génériques: la finalité, la structure, l’état et la performance. Ces deux objets fondamentaux sont aussi des objets primitifs. Être un objet primitif signifie que la structure de la substance ne peut contenir que des substances, et la structure de l’événement que des événements, comme leurs parts structurelles. Autrement dit, une substance peut toujours se désagréger dans un ensemble de substances (sous-substances) interliées par des relations spatiales, et un événement peut toujours se désagréger dans un ensemble d’événements (sous-événements) interliées par des relations temporelles

La substance et l’événement sont les parts structurelles de l’objet composé que je n’ai pas encore nommé. J’ai utilisé le terme ‘event-medium composite’ en anglais mais pour ce moment je n’ai rien à proposer pour le terme francais. Appelons-le X (qui n’est pas très vulgaire).(  ?) 

La relation entre les parts structurelles, la substance et l’événement, est causale. La relation causale est entre la cause et l’effet. La cause de la production d’un événement réside dans la substance, plus spécifiquement dans son état. Comme la substance n’est pas temporelle (par définition), son état est statique. L’état d’une substance à un moment donné n’est pas nécessairement ce qu’il doit être. Peut-être y a-t-il dans la substance une déviation de son état désirée. C’est cette déviation qui est la cause de la production d’un événement. Mais pourquoi y a-il cette déviation? Qu’est-ce qui a perturbé la substance? C’est l’événement, et la perturbation est un effet de cet événement. Alors, la cause et l’effet de l’événement se manifestent dans l’état de la substance comme une déviation de l’état désiré, comme une perturbation.

Les événements sont des objets intangibles que l’homme ne peut pas percevoir directement mais seulement en observant (si on le peut) l’état de la substance, la déviation de l’état désiré et le changement de l’état en fonction de temps. Dans les situations extrêmement simples, la relation causale peut être raisonnée à partir de ces observations.

Quel est l’état désiré d’une substance? Pour répondre à cette question, il faut d’abord définir ce qu’est la substance ou en donner quelques exemples. La manière la plus simple est de la définir comme un objet qui est la condition d’existence des événements. Par exemple, la matière doit exister pour qu’il existe des phénomènes physiques et chimiques. Ou, il n’y aurait pas de pensées s’il n’y avait pas d’esprit. L’état désiré de la matière continue est son équilibre thermodynamique ou, autrement dit, l’état où son degré de desordre (entropie) est le maximum. La matière tendant vers cet état donne aux phénomènes l’objectif à atteindre. L’état désiré de l’esprit n’est pas dicté par les lois déterministes de la nature mais par la personne grâce à sa volonté influencée par son environnement. Aussi les activités pour atteindre cet état, sont-elles, au moins partiellement, choisies par la personne.

La substance et l’événement, en tant qu’objets primitifs, peuvent exister comme des agrégats de sous-substances et de sous-événements. Dans une substance il peut se propager plusieur sous-événements en même temps. Ces sous-événements sont indépendants au sens qu’ils progressent obéissant, chacun, à leur propre loi causale mais ils sont fortement interliés via la substance. C’est parce la cause et l’effet de chaque sous-événement se manifestent dans l’état de la substance. On peut dire que les sous-événements communiquent via la substance. 

Considérons une substance hétérogène dont les sous-substances ont des états indépendants. On peut considérer, par exemple, l’esprit collectif de deux ou plusieurs personnes comme une substance agrégée d’esprits individuels. L’état de cette substance est modelé par des échanges d’idées. On peut dire que les sous-substances (esprits individuels) communiquent via l’événement qui est l’échange des idées, par exemple en discutant. Comme autre exemple on peut considérer une matière hétérogène: un mélange de chlorure de sodium cristallin et d’eau. Les deux sous-matières communiquent via un phénomène agrégé (la cristallisation, la dissolution et quelques autres). Le phénomène modèle l’état de la matière en la conduisant vers l’équilibre thermodynamique, la saturation.

Normalement, quand on pense aux substances et événements ou quand on en donne des exemples, on oublie ou ignore (comme en haut) qu’il s’agit d’objets qui, par définition, n’ont pas de limites, ni spatiales ni temporelles. S’il y en avait, cette limite serait un objet quelconque. Alors la substance et l’événement s’étendent dans toutes les dimensions, spatiales ou temporelles, sans limite. Ce point de vue est conforme aux postulats d’Einstein qui présentent l’espace et le temps comme homogènes. Être homogène ne veut pas dire présenter un état également distribué. Les différences spatiales dans l’état de la substance donnent naissance aux sous-événements dans la substance qui peuvent se propager localement ou régionalement. Ces régions peuvent être définies comme des sous-substances. Il y aura alors des sous-substances qui communiquent avec elles-mêmes via des sous-événements locaux, et des sous-substances qui communiquent l’une avec l’autre via des sous-événements partagés. 

On accepte les limites de la substance pour une raison pratique. Les sous-substances sont souvent tellement locales qu’on peut les percevoir comme ayant des frontières. Pour simplifier on peut définir que la sous-substance n’existe que dans l’espace limité et non au-delà de la frontière. Les événements locaux se propagent dans cette espace. La frontière, pourtant, doit être perméable parce qu’en réalité la substance est continue. Par cette simplification le déplacement de la substance peut être remplacé par la communication des sous-substances aux divers côtés de la frontière. La communication se fait via le phénomène de transport partagé par des sous-substances. La cause de ce transport est la différence entre l’état d’une sous-substance et l’état d’une autre. 

On doit remarquer que l’expression "matière hétérogène" est aussi une simplification. Par exemple, entre le cristal de chlorure de sodium et l’eau, même en état de saturation, il y a une zone où, par des bombardements incessants des molécules de deux espèces, le liquide continue à se transformer en solide et le solide en liquide. Il n’y a pas de discontinuité en traversant l’interface. Quand deux personnes échangent leurs idées, disons en parlant, l’hétérogénéité semble établie. Mais le transport des idées ne passe pas directement d’un système neural à l’autre mais au travers d’un espace partagé, où le transport avance en ondes soniques (les paroles) et électromagnétiques (les gestes).

L’existence d’une frontière entourant la substance est donc bien justifiée. Il n’y a aucun sens à argumenter, par exemple, qu’un oiseau, un arbre, un homme ou un stylo particulier n’aurait pas d’identité comme substance entourée d’une frontière le distinguant du reste du monde. En acceptant la frontière, on accepte à la fois l’interaction (le transport au-delà de la frontière) et aussi le reste de la réalité située au-delà de la frontière, comme les objets fondamentaux. Quels types d’objet sont les objets ainsi introduits  ?

La frontière divise le monde en deux sous-objets de type X, c’est à dire, d’objets composés de substance et d’événement. Cette division est complètement symétrique. C’est seulement du point de vue d’un observateur que l’un de ces sous-objets peut être nommé intérieur et l’autre extérieur. En particulier, la division en ‘sujet’ - objet’ et ‘agent – patient’ est inventée par l’homme. Un cristal de NaCl dans l’eau constitue un système où le cristal est entouré par l’interface entre ces deux phases  ????. L’homme est tenté de regarder le cristal comme l’intérieur et l’eau comme l’extérieur. En plus, si la personne est en train d’examiner l’attaque dissolvante de l’eau sur le cristal, elle peut regarder l’eau comme le sujet agissant sur le cristal. Du point de vue du système et de l’interaction des substances ces rôles sont superflus et artificielles. 

C’est seulement pour servir à la description de la réalité par l’homme de différents points de vue que j’ai nommé ces deux sous-objets intérieur et extérieur. Ce sont des objets du type X. Le transport au-delà de leurs frontières est du type ‘événement’. Mais ces événements se produisent dans une substance. La frontière, qui en réalité est une zone, ou un espace, séparant l’interieur de l’extérieur, est un objet de type substance. Alors, ces deux objets, la frontière et le transport, forment ensemble le troisième objet composé de type X. Je l’ai nommé interaction.

Tous les objets du type X peuvent se désagréger en sous-objets de type X, qui, chacun, peuvent encore se désagréger en sous-objets de type X, etc. infiniment en formant une hiérarchie. Les sous-objets de même niveau dans la hiérarchie communiquent via les sous-substances et sous-événements qui leur sont communs. 

Considérons maintenant le monde selon ces trois objets fondamentaux de type X. Les objets primitifs sont tous du type X, parce que les substances et les événements ne peuvent pas exister indépendamment. Cela veut dire qu’aussi le monde entier est un objet de type X composé de substance et d’événement. En constatant cela, on ne dit rien de la frontière qui entourerait la substance. S’il y en avait une, il y aurait "quelque chose" (comme "un autre monde") au-delà de la frontière avec laquelle la substance communiquerait, mais une telle spéculation n’est pas nécessaire. 

La descente dans la hiérarchie ontologique de l’échelle cosmique vers les domaines plus courants se passe plus facilement en choisissant la substance et l’événement qui sont dans l’intérêt  ???? et en  définissant l’objet composé ainsi formé comme l’intérieur. L’extérieur est alors auomatiquement le reste du monde, mais le plus souvent, du point de vue de l’interaction, seulement quelques sous-substances de l’extérieur sont importantes. On arrive alors à un objet agrégé de trois sous-objets qui sont des objets composés déjà définis  : l’intérieur, l’extérieur et l’interaction. J’ai nommé cet objet agrégé processus

Je répète que le processus, par définition, est un objet agrégé de trois objets: l’intérieur, l’extérieur et l’interaction, qui chacun sont des objets composés de substance et d’événement. Quand on identifie une frontière, il s’agit toujours d’un processus. En effet, les objets particuliers mentionnés ci-dessus: un oiseau, un arbre, un homme, un stylo, sont tous des processus considérés selon une perspective holistique. Dû à la symétrie, les rôles de l’intérieur et de l’extérieur sont interchangeables. L’intérieur, comme l’extérieur, d’un processus peut se désagréger et se regrouper pour former des sous-processus.

Le ‘processus’ est un objet actif transportant de la substance (matière, énergie, information) à travers la frontière de l’interieur vers l’extérieur et de l’extérieur vers l’intérieur. S’il n’y a pas de transport mais seulement le potentiel de celui-ci, je propose que l’objet soit appelé produit. Un produit devient un processus quand l’interaction est activée. L’activation a lieu, quand un produit est utilisé par quelqu’un. Le stylo est un exemple de produit.

En résumé, le monde expliqué en termes de processus et de produits est peut-être le modèle le plus utile pour l’homme dans tous les domaines.